FEST : Entretien réflexif en aval de la mise en situation

FEST : Entretien réflexif en aval de la mise en situation

Nous vous partageons cette fois-ci des extraits des entretiens réflexifs qui ont lieu après la mise en situation. On voit ici la richesse apportée par la mise en mots sur les expériences vécues, ouvrant la voie à une réflexion approfondie. C’est la fameuse réflexivité !

FR représente le “formateur référent”, FM le “formateur métier” et A “l’apprenant”.

Voici un extrait du temps réflexif qui a eu lieu après avoir vécu la situation. Celle-ci a eu lieu pendant le temps d’accueil café dans une résidence pour des personnes adultes en situation de fragilité sociale et de handicap. Le but a été d’entrer en relation avec une personne déjà identifiée (N) qui fait partie d’un groupe. Il s’agit d’un temps incontournable où la plupart des résidents participent. Ils se trouvent dans une salle commune, tous autour de tables rassemblées :

 

FR : Donc là, l'idée c'est vraiment que ce ne soit pas nous qui te disions, tu aurais pu faire comme ça ou comment ça se fait que tu n'as pas fait comme ça. On ne va pas là-dessus, on est là pour te questionner, pour que toi-même tu puisses dire, que tu puisses décrire ce que tu as fait et que tu puisses faire l'analyse, c'est-à-dire, qu'est-ce qui a fait que tu as fait comme ça, quelles questions tu t'es posées. Dans l'entretien réflexif (...) on ne va pas venir plaquer nous comment on aurait fait. Le but c’est qu'on t'amène toi à dire comment tu as fait et qu'est-ce qui fait que tu as fait comme ça.

A : D'accord, ça ne va pas être facile, mais bon… de répondre aux questions, enfin…

FR : Tu as vécu la situation. Donc en fait, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse  (...) Moi, ce que je te propose, c'est d'essayer de refaire le film de ce qui s'est passé et tu nous racontes ce que t'as fait, mais aussi ce que t'as ressenti, et puis ce que t'as pensé, et puis tout ça. Nous, on va te poser des questions pour t'amener à dérouler un peu plus. Alors quand est-ce que ça a commencé ?

A : Ça a commencé ce matin quand je suis arrivé dans la structure. Donc j'ai fait comme d'hab, posé mes affaires, dit bonjour à tout le monde avant, puis après je suis allé dans la cuisine voir ce qu'il se passait.

FR :  Du coup tu as dit bonjour à tout le monde. Tu étais où ? Qui était là ?

A :  J'étais à l'entrée, il y avait déjà du monde dans la salle de vie. Donc j'ai dit bonjour à ceux qui étaient déjà dans la salle de vie. Ensuite j'ai posé le gâteau dans la cuisine où il y avait déjà N et P.  Je leur ai dit bonjour aussi et ensuite j'ai enlevé ma veste, posé mes affaires dans le bureau et je suis retourné dans la cuisine pour échanger un peu avec P et N.

(...)

Par rapport à sa place dans la salle, où il a décidé de s’assoir autour de la table :

A : Je me suis dit, déjà, si je dois faire l'entrée en relation avec N, je sais déjà que je vais faire le tour de table, je sais que je vais commencer par quelqu'un qui est à côté de moi. Je me suis dit je ne veux pas me mettre tout de suite à côté de lui, pour pas l'embêter trop. Donc, je me suis dit, je vais me décaler un peu, je laisse parler deux personnes. Comme ça lui, il aura, peut-être, plus de facilité pour discuter, c'est-à-dire ce n’est pas tout de suite et ce n’est pas non plus le dernier. C'est pour ça un peu que je me suis dit, je vais me placer là, pas trop loin et pas trop près non plus.

FR : Et comment tu savais que ça c'était la meilleure manière, de laisser quelques personnes avant qu’il prenne la parole à son tour?

A :  Je ne sais pas, enfin c'est, peut-être... ma posture d'animateur on va dire.

FR : C'est quoi la posture d'animateur ?

A : C'est peut-être ce qu'il faut faire, je me suis dit je me mets aussi un peu à sa place, je n'aimerais pas passer non plus le premier, ni être trop loin… et qu'on doit échanger ensemble.

FR : Qu'est-ce qui te fait dire que N n’aime pas passer en premier ?

A :  Je ne sais pas. C'est mon ressenti que j'ai là-dessus.

FR : Comment tu sais ?

A : Je sais qu’il parle plus en petits groupes restreints. C’est pour ça qu'après la pause-café, généralement avec P, ils se remettent à lire le journal, à parler du sport, de ce qui se passe dans le journal, dans la région, ils lisent un peu. Mais en groupe, je sais qu'il a un peu plus de mal. C'est peut-être pour ça aussi que je me suis dit, je ne vais pas le mettre en premier pour qu'il soit plus à l'aise.

FM :  Donc tu as un sens d'observation. Depuis que tu es arrivé ici, tu as pu remarquer un peu les postures de chacun et comment ils fonctionnent.

Plus tard, la formatrice métier (de la structure) explique qu’elle s’est rendu compte d’un point déjà abordé en équipe par la directrice grâce à la FEST :

FM : On travaille tout le temps dans l’urgence… Je trouve que ce qui émerge là, c’est ce temps de transmission qu'on ne fait pas avant d’accueillir les résidents. (...) Grâce à la FEST, on s'est aperçu qu'effectivement, ce qu'on s'était dit avant, aujourd'hui, on ne le fait pas encore. (...) Et à travers ça, on a pu voir que c'est important aussi quand on accompagne un stagiaire, qu'il ait aussi toutes les billes.

 

Ici, un deuxième extrait de l’entretien d’réflexif mené par la formatrice référente et la formatrice métier dans un accueil périscolaire, après une mise en situation d’entrée en relation avec un parent le soir.

 

FR : Donc, vas-y, refais-toi le chemin.

A : Donc, je demande à ma collègue si la petite est là ou en arts plastiques. Donc, elle me dit qu'elle n'est pas là, qu'elle est en arts plastiques et je lui demande gentiment si elle peut aller la chercher. Je préviens le papa en disant, voilà, ça va un peu durer, parce que le temps de faire l’aller-retour et qu'elle va arriver.

FR : Donc, rappelle-toi le premier parent, quand ça a débuté. Alors, tu étais où ?

A : J'étais en salle bleue. Parce que j'aime bien avoir un angle sur les enfants. Je navigue, j'aime bien. Là, c'était un papa que je n'avais jamais trop vu pour le coup. Parce que j'ai demandé son prénom, qui c'est qu’il venait chercher.

FR : Oui…

A : Parce que je n'ai jamais trop affaire à lui. Et du coup, H, elle était en arts plastiques. Donc, j'ai demandé…En général, on fait comme ça. Comme on est assez en bas pour tant d'enfants, on demande à une collègue de monter la chercher. Ou des fois, on demande aux parents d'aller chercher. J'aurais pu aussi dire au papa, elle en arts plastiques, vous pouvez aller la chercher.

FR : Et pourquoi, là, à ce moment-là, tu ne demandes pas au papa ?

A :  Alors, je ne demande pas au papa parce que... Je ne sais pas ce que je me suis dit, qu'on était trop en bas et que c'était le premier papa. Il n'y avait pas trop de mouvements de foule, en fait. Je me suis dit que ma collègue, elle a le temps d'aller faire l’aller-retour. C'est pas comme si le papa, il serait venu peut-être à 17h30, où il y a quatre papas en même temps. Là, j'aurais dit, votre fille, elle est là-haut, vous pouvez aller la chercher. Ça dépend.

FR: Souviens-toi, à ce moment-là, tu lui as demandé le prénom de son enfant. Tu vas en salle pour voir si l'enfant est là.

A : Oui, si elle est là, je demande à ma collègue si elle est là, après, on échange, il me dit que pourtant, il avait prévenu qu'il venait tôt. Enfin, je lui dis que son enfant voulait faire un petit dessin, tout en rigolant et puis après, elle descend, s'habille.

FR : Alors, entre le moment où elle descend...

A : Ah, je reviens en salle bleu.

FR : Et le moment où...

A : Je vais chercher un enfant. Donc, du coup, je m'aperçois que le papa... Le papa ne veut pas trop communiquer. Donc, je préfère aller aider ma collègue.

FR : Qu'est-ce qui te fait penser que le papa ne veut pas communiquer ?

A : Parce que je le sens fermé, en fait. J'ai senti son visage fermé et j'ai essayé, en fait...

FR : Qu'est-ce qui, sur son visage, te laisse penser… ?

A : Il était... Enfin... Moi, je sens les gens, en fait, quand... Pas de sourire, pas... Donc, après, j'ai essayé de lui parler mais après je me suis dit ... Finalement, il attend sa fille. Donc, je vais aller aider ma collègue qui est en train d'être toute seule avec les enfants dans la salle.

FR  :  D'accord. Donc, la petite descend…

A : Elle arrive, etc. Je lui ai dit qu’'il faut bien qu'elle s'habille et puis, elle parle avec son papa. J’ai dit  “Bonne soirée, à demain”.

FR  : Qu'est-ce que tu aurais pu faire dans la préparation qui t’aurait permis d'identifier peut-être ce papa ? Est-ce qu'il y a quelque chose en amont que tu aurais pu faire ?

A :  Pas forcément, parce qu'on n'a jamais les mêmes enfants et je n’ai pas été beaucoup le soir, je ne suis pas souvent là.. Du coup je ne connais plus tous les parents …Donc en amont ça aurait été compliqué.

FR : Dans la préparation,  qu'est-ce que tu aurais pu trouver, t'appuyer sur quoi pour pouvoir justement anticiper ça ?

A : Bah, de connaître plus les parents mais c'est compliqué…

FM : Alors il faut que dans ces situations-là, si le parent tu ne le connais pas ou que tu l'as aperçu, mais tu n'es jamais entré en contact avec lui, tu te présentes : tu dis  “on ne se voit pas souvent…” Tu vois, tu expliques pourquoi tu lui demandes c'est le papa de qui, tu dis “moi je suis A… je suis là de temps en temps je fais aussi ma formation…” Donc ça va t'amener à pouvoir lier un premier contact et à avoir moins ces difficultés à dire “je ne sais pas qui c'est…”

A : Après je me dis je l'ai quand même bien exprimé en demandant qui il venait chercher, mais c'est bien ça aussi.

FM : Il faut que tu te présentes, c'est comme si là je te demandais que tu entres en relation pour la première fois avec les parents en début d'année

A : Ouais je vois.

FM : Donc moi j'ai noté quelques trucs après… Il y a plein d'aspects positifs : tu parles correctement avec tout le monde, t'es agréable, tu rebondis, tu vas rigoler. Donc là t'as eu la difficulté du papa d'H.

Moi ce que je fais quand je suis dans une situation mal à l’aise, je dis “on ne s’est pas trop vus je crois, il me semble, donc je suis la directrice. Vous n’hésitez pas si vous avez besoin de quelque chose”. Je comble comme ça, parce que ça m'arrive tout le temps et en plus je fais moins d'accueil que vous.  (...) Et aussi, je veux absolument que vous fassiez monter les parents dans les salles. Je l'ai pas mal redit en réunion. Parce qu'en fait, ça fait une ouverture à la structure pour les parents et là, quand je t'ai observé, j'ai vu que finalement t'allais plutôt les attendre dans le hall que dans la salle. Je préfère que tu sois dans la salle, j'ai envie qu'ils aient cette visibilité et qu'ils puissent voir la salle, voir l'enfant et ce qu'il fait, voir comment ça se déroule pour qu'il y ait vraiment cette ouverture à la structure.

FR : Au moment où le parent te demande  “Est-ce que vous avez beaucoup d'enfants ce soir, vous en avez combien”. Tu ne te dis pas que du coup, tu pourrais l'inviter à voir directement le nombre d'enfants dans la salle ?

A : Oui, mais je me dis que ce monsieur a l’air d’être pressé parce qu'en fait, je ne sais pas si vous avez vu, mais il a vite mis le manteau et les chaussures à l'enfant.

FR: Peut-être que par cette question qu’il t’a posée, il suggère qu'il aurait aimé voir.

A : Oui, oui, je vois.

FM : Et là, c'est encore plus important de les faire monter. Parce que le but, c'est vraiment qu'ils puissent voir où interagit leur enfant, ce qu'ils font, qu’ils voient les animateurs et tout ça. Par contre, accompagner les parents jusqu'à la porte, je trouve ça très bien. Et puis, si tu as un parent qui arrive, quand tu arrives à la porte, tu dis, ah ben venez, on va chercher votre enfant. Il est là, venez.

FR  : Ça fait le relais.

FM : Après, ce qui peut être intéressant dans l'année, c'est qu'on refasse cette mise en situation, peut-être en fin d'année, pour voir justement l'évolution. Ça, ça peut être bien. Mais c'est vrai que moi je vais le faire automatiquement. Parce que j'ai ce rôle de référente de structure, donc t'es obligée de dire  “Ah on ne s’est jamais vus… Vous êtes…” Et c’est vrai qu’en faitil faut que je dise tout ce qui est logique pour moi.

FR : Oui mais parce que ça te parait tellement logique. En fait, tout ce qui est logique pour toi n’est pas forcément logique pour les autres. Ce qui parait logique en fait je me suis aperçue qu'il fallait le dire. C'est rigolo parce que c'est un point qu’on n’avait pas imaginé : c'est-à-dire que le formateur métier en regardant, voit aussi les failles tu sais… grâce à la FEST et ça donne aussi des billes en tant que formateur métier.

 

Voici des  exemples de comment le récit de l’activité permet de transformer l’expérience vécue : la mise en mot a généré la possibilité de réfléchir aux habitudes de travail et à leur sens. (Barbier, 2013).

Ces extraits mettent en lumière des prises de conscience et le cheminement que l’apprenant fait pour mener ses actions. Par ailleurs, le fait d’observer met en évidence quelques “dysfonctionnements”. La FEST amène à penser et agir autrement. Selon Emmanuelle Begon, l’objectif de l’entretien réflexif à posteriori de la mise en situation est de “donner les moyens à l’apprenant d’évaluer avec du recul ce qu’il vient de faire, comment il l’a fait, quelles difficultés il a rencontré, etc.”

Le formateur observe la mise en situation et laisse l’apprenant faire. L’apprenant est acteur de son apprentissage. Pendant le temps réflexif, le formateur le guide pour qu’il prenne conscience de son action, de ses compétences acquises et de ce qu’il reste encore à travailler.  Il est important que l’apprenant trouve sa propre manière de faire et qu’il soit en capacité d’exprimer ses façons de faire. Pour cela, Emmanuelle Begon nous explique de manière schématique différentes étapes de l’entretien réflexif en aval de la mise en situation :

  • L’apprenant raconte son action (pour le formateur, il ne s’agit pas de remplir le vide mais plutôt de laisser le temps, le silence, le formateur aide à s’ancrer dans la situation : tu étais où ? Où commence la situation ?).
  • L’apprenant explicite grâce aux questions ouvertes (“Comment ?” et “Qu’est-ce que .. ?” et pas “Pourquoi ?”) des éléments implicites, dits “naturels”.
  • Ils extraient des éléments clés de cette situation.
  • L’apprenant imagine et transpose pour le futur via la question : si c’était à refaire, comment ferais-tu ?

Une fois que c’est fait, le formateur peut, seulement à partir de ce moment-là, donner des conseils sur la situation vécue par l’apprenant. Si la compétence n’est pas encore maîtrisée, ils peuvent décider de refaire la situation.

Finalement, ce qui a été mis en évidence, notamment par la formatrice métier dans le dernier exemple : ”C'est-à-dire que le formateur métier en regardant on voit aussi les failles tu sais… sur la FEST et ça donne aussi des billes” c’est que la FEST n’est pas utile que pour l’apprenant, mais aussi pour observer l’existant et repérer ce qui peut être modifié pour améliorer la qualité de travail, tant pour le public que pour l’équipe.

Dans notre prochain post, nous vous partagerons des illustrations de comment la FEST a permis de transformer les pratiques. A suivre…

Pour en savoir plus :

 

 

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