En quoi la FEST est-elle une démarche d’éducation populaire ? - Par Catherine Juillerat

MPT de Pont de Roide, rentrée 2023…

L’animateur jeunesse en poste (CDI temps plein depuis 2020) intègre la formation BPJEPS LTP.

Il est en alternance à la MPT en tant que stagiaire dont je suis la tutrice. ( J ça commence bien !)

Nous sommes tous ravis, Uniformation notre OPCA prend en charge la formation de notre salarié.  Après plusieurs années compliquées au sein de notre association (pandémie, départ d’une animatrice, baisse de fréquentation…) nous voilà sur une rentrée « normale » avec le retour des adhérents et des jeunes, un nouvel animateur fraichement  diplômé BPJEPS animation culturelle, des interventions inédites en milieu scolaire sont initiées…. BREF… cette rentrée est fort agréable, vitesse de croisière enclenchée.

Jusqu’à l’appel de Thomas, formateur référent de notre animateur, pour un RDV de cadrage de la Formation en situation de travail. J’ai entendu parler de ce concept l’année dernière. Des collègues, Claire m’ont contactée et j’ai suivi de loin les travaux engagés. De ma structure au bord du Doubs, Sud de PMA, aux portes de la ruralité, on se refait un peu les clichés intello/le terrain, les théoriques et les pratiques… un peu comme si, ben vous réfléchissez, nous on bosse et quels p******  d’usine à gaz allez-vous me pondre ? (je force le trait).

Donc, c’est avec cet état d’esprit ouvert et bienveillant que j’accueille l’appel de Thomas pour convenir d’un premier RDV …. Le formateur référent pose le cadre avec le formateur métier et le responsable de la structure. Deux en un à la MPT…

Chez nous Monsieur, on fait de l’éducation populaire, pardon, de l’EDUCATION POPULAIRE, pas de l’empowerment ni de la capacitation ni de je ne sais pas quoi…            

 Oui vraiment, ouverte et bienveillante….

Ensuite, tout se déroule comme je ne l’avais pas prévu ! 

21 septembre

Le premier RDV est également le 2nd.  Formateur métier, cette notion s’éclaire… On parle des actions, du cœur de notre savoir-faire et à partir de la matière observée dans les situations, on va regarder, observer, disséquer et réfléchir. Pas à la place de, pas en sachant qui déverse son immense connaissance sur le jeune padawan/scarabé/élève (au mieux, au pire le laisser se débrouiller avec sa formation et que surtout cela n’interfère pas trop avec le fonctionnement quotidien)

Non ! Nous allons, imaginez-vous, écouter l’apprenant, le faire parler de sa pratique à travers un entretien réflexif.

Peu à peu, j’écoute plus Thomas, le terrain et le concept ne s’oppose pas mais se nourrissent. L’action et la réflexion en harmonie…

Mais serais-je en train de me prendre au jeu ?

 

28 septembre

La journée à Trajectoire avec les autres formateurs métiers m’enchante : L’intervenante, les méthodes, le groupe et l’ambiance générale (et le buffet ! J ) nourrissent une réflexion qui, j’en prends conscience ce jour-là, s’est amorcée depuis la rencontre avec Thomas.

 

15 novembre / 20 décembre

Situation 1 et 2

D’emblée, je suis bousculée dans ma pratique par l’intégration de l’animateur en formation et par son appropriation du lexique et de son nouveau statut. Ce qui me bouscule c’est que dès le travail commun d’élaboration de la situation n°1 puis de la situation n°2, je pressens que cette nouvelle méthode de travail n’est pas si nouvelle…. Ce qui est nouveau, c’est qu’on explicite et qu’on élabore une situation en précisant les contours.

La situation n ° 1 est basique : donner une information à des parents à la fin du cours de Hip Hop.

Deux à trois minutes.

Puis dans la foulée, l’entretien d’explicitation avec Thomas.

La situation N° 2 est un peu plus complexe : réagir selon une procédure établie pendant un exercice d’alarme incendie avec le groupe des moyens. (6/9 ans)

Deux à trois minutes puis l’entretien d’explicitation avec la formatrice métier uniquement.

 

Un cas particulier ?

L’animateur et moi  nous connaissons depuis 2001 car il fréquentait le secteur jeune d’un centre social luron au sein duquel j’étais coordinatrice jeunesse jusqu’en 2008.  Nous  travaillons ensemble depuis 2014 car il est venu dépanner son ancienne animatrice (mézigue donc) sur des séances de danse Hip Hop. En effet, l’animatrice en poste nous a fait faux bond la veille de la rentrée. Ce qui devait être un remplacement temporaire s’est transformé au fil des années et des circonstances en CDI temps plein (avec des formations courtes et une tentative de VAE entre temps).  Nous sommes donc dans une pratique commune faite de beaucoup de mimétisme et d’empirisme. La crise COVID ne nous a pas aidés à prendre du recul sur notre façon de travailler car il a fallu inventer, faire, innover et garder le lien avec les habitants/adhérents/public. Pendant cette crise, notre lien personnel a été une force indéniable.

Mais il est nécessaire de comprendre ces automatismes, de les analyser car force est de constater que « ça fonctionne »….  Nous constatons depuis la reprise « normale » que la fréquentation des jeunes en accueil libre se développe, que le bénévolat et l’engagement de ces ados est réel et vivant et que la confiance des familles s’installe et se fortifie même. Au-delà de notre cas particulier, l’équipe avec laquelle je travaille est restreinte (4 salariés) et a de l’ancienneté (10 ans de travail commun au minimum). Donc, toute l’équipe est concernée par ces automatismes et comme « ça va bien », nous faisons.

 

Mais pourquoi et comment ? Et vers quoi ?

Formaliser, expliciter le faire, le comment on procède, mettre au jour les questions qu’on ne se pose plus, triturer les automatismes, les disséquer ensuite, savoir se taire et écouter, tout ça ensemble dans un souci constant de non-jugement et de coopération est en soi une démarche d’éducation populaire.

L’apprenant qui prend conscience de sa pratique, la formalise et l’explicite donne à voir au-delà de la situation de formation, un échantillon de notre travail quotidien. Ce qui se passe dans ces deux minutes d’accueil et d’échange avec les parents montre comment le lien se tisse, comment de parents d’enfants inscrits à la danse, ils deviennent partenaires, acteurs et sont associés au fonctionnement global. Le partage également de la situation avec les autres membres de l’équipe, notamment sur la situation n°2 du 20 décembre.

Alors, oui ça interroge non seulement la pratique mais également le fonctionnement global de notre association. En effet, cette tranche de vie qui devient « la situation de formation » qui a été élaborée avec l’apprenant passe sous le microscope. Du micro au macro…. Deux minutes de la vie d’une MPT en disent long sur  l’ensemble.

Par ailleurs, l’apprenant n’est plus celui qui ne sait pas et doit tout apprendre des sachant mais devient acteur de son apprentissage, apprend à apprendre. Sans doute le faisions nous comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans savoir, mais cela va mieux en le disant. Enfin, cette explicitation permet de valoriser des pratiques auprès des publics (voilà pourquoi et comment je travaille avec et pour vous, qu’en pensez-vous ? comment peut-on s’améliorer ensemble ?) auprès des partenaires fonctionnels et financiers et auprès de nous-même.

 

En guise de conclusion :

La FEST ou l’AFEST (je n’ai pas encore tout saisi) met en place un cercle vertueux ; je le dis avec encore plus de convictions que nous sortons de plusieurs crises (pandémie, conflits internes,…) qui ont fragilisés notre association. Le départ en formation d’un animateur ‘pilier’ de notre structure aurait pu renforcer cette fragilité. Les deux rdv et le temps commun ainsi que les situations m’ont permis de trouver une méthode de travail et de réflexion transférable à toute l’équipe et applicable facilement.

Il y a évidemment peu de recul pour l’instant sur les effets dans notre association mais je constate  plusieurs signaux encourageant : l’accueil des apprenants est maintenant complètement différent (mise en situation plus réfléchi des apprenants, même des jeunes élèves de 3ème) et les discussions qui s’inspirent de la méthode des entretiens réflexifs nous ont offert de belles réflexions et perspectives notamment en direction et avec les publics et les partenaires.

A suivre !

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