Le cheminement pour l’apprenant…. |
Lors des premières FEST, le formateur métier et le formateur référent donnent des conseils à l’apprenant sur comment il aurait pu faire, tandis que pour la troisième mise en situation, il propose de faire différemment de ce qu’il a observé. Au fur et à mesure des entretiens et des mises en situation, il prend conscience de comment faire autrement et il évoque comment il a pu se servir de ce qui a été mis en débat dans les situations précédentes. La FEST permet de raisonner à partir de son activité réelle de travail et de trouver du sens sur ce qui est fait.
Voici un exemple d’une prise de conscience :
(Éléments de contexte sur cette situation : C’est le temps de midi, avant d’aller aux activités. Les enfants sortent de l’école, sont au préau, certains vont passer aux toilettes, un des animateurs fait l’appel et l’apprenant est en charge de l’organisation de ce temps et d'annoncer les activités auxquelles les enfants vont aller toute suite après). La lettre F représente le formateur métier et l’A, l’apprenant.
|
Il l’a préparé en imaginant des améliorations pour l’organisation du travail, la FEST lui a permis d’observer avant comment ce temps avait été fait et d’essayer d’autres manières d’agir :
|
On vous partage un tableau illustrant des axes à améliorer identifiés après chaque mise en situation et discutés entre le formateur métier, le formateur référent et l’apprenant. Ce tableau illustre comment la FEST permet à l’apprenant de développer sa capacité d’agir dans une famille de situations de travail :
|
FEST#1 : entrer en relation avec les parents pendant l’accueil du soir en périscolaire. |
FEST#2 : entrer en relation avec les parents durant l’accueil du soir en centre de loisirs, un mercredi. |
FEST#3 : entrer en relation avec les enfants pendant l’accueil du midi en périscolaire. |
FEST#4 : entrer en relation avec les enfants pour le temps de débrief des activités en centre de loisirs. |
Les points à améliorer |
Se présenter si je ne connais pas le parent ou la personne qui arrive. Ne plus faire attendre les parents dans le hall d’accueil mais dans les salles d’activités pour qu’ils voient ce qui est fait avec leurs enfants. Échanger avec les parents de manière équilibrée Écouter plus les parents. |
Communiquer plus avec les collègues en amont pour anticiper des problématiques vécues pendant la journée. Porter une attention à l’éclairage. |
Animer plus ce temps, avec un côté ludique. Préparer cette animation en amont. |
Animer plus ce temps. Mieux connaitre ce qu’il va se passer pour le public. |
Ce qui a été modifié ensuite |
|
Positionnement physique d’aller vers les parents. |
Présentation aux personnes inconnues. Préparation : Échanges avec les collègues plus approfondi. L’apprenant a réfléchi au fonctionnement de ce temps en impliquant l’équipe. |
Positionnement physique face aux enfants avec une vue globale de tous (animateurs et enfants). Attentif pour rebondir aux commentaires des collègues et des enfants (lié à la première FEST). |
Par ailleurs, après chaque FEST, ces points ont été abordés en équipe pour que les enseignements tirés par l’apprenant soient partagés au collectif et fassent évoluer l’organisation de travail si nécessaire.
Pour le formateur métier… |
La FEST a permis au formateur métier d’observer le travail réel et d’avoir des éléments très concrets pour en parler en équipe et expliquer le sens de travailler d’une certaine manière.
Ici, il s’agit d’un échange informel qui a eu pendant la FEST#2 :
|
Un autre formateur métier mentionne que sa façon de manager l’équipe, sa manière de questionner s’est transformée : il ne s’agit plus de “dire comment il faut faire” mais sinon d’amener à la réflexion de l’action.
Par ailleurs, la FEST transforme le vécu de l’alternance : avant, on était plus sur la relation entre le formateur métier et l’apprenant, par exemple “l’apprenant est sympa…”. Aujourd’hui, le travail réel est mis en débat entre lui et l’apprenant, à partir des observations et des échanges autour du travail.
|
On observe que la FEST permet de sortir du paradigme “séparatiste” qui a consisté historiquement en France à séparer la formation du travail. L'intérêt de la FEST est justement de relier ces deux mondes : l’activité de travail à des fins pédagogiques. La FEST implique des acteurs de la formation (notamment, le formateur référent, mais aussi le groupe de la promotion) et de l’alternance (le formateur métier, l’encadrement, le collectif de travail, le public, etc).
Il s’agit d’apprendre par l’expérience, pour cela, il est nécessaire d’articuler le “faire” et la “réflexion”.
La FEST mobilise l’organisation de travail, elle implique la direction, l’apprenant concerné, l’équipe, … L’enjeu de la FEST est de devenir un projet collectif qui participe à une dynamique collaborative au sein d’une équipe.
Ici, dans les exemples, le formateur métier a pu utiliser la FEST pour transformer son accompagnement de l’équipe. Sa manière d’échanger avec un professionnel a changé : avant, le formateur métier disait ce qu’il fallait faire sans rendre explicite les raisons, car elles étaient “évidentes” pour lui. Grâce à la FEST, il dialogue d’une façon plus horizontale qui permet de remettre en question le côté ”naturel” des actions pour susciter la “dispute professionnelle” (Yves Clot, 2014). C’est en cela que la FEST ouvre la voie vers l’organisation apprenante.
Qu’est-ce une organisation apprenante ?
Emmanuelle Begon affirme que “L’organisation et le travail deviennent source d’apprentissage, source de formation quand ils sont en capacité d’animer une discussion sur le travail et peuvent, aussi bien pour des nouveaux que pour des anciens, organiser des temps de formation par et dans le travail. Une organisation apprenante c’est cela ! C’est une organisation qui met le travail en discussion et une qui crée des situations de travail formatrices, une organisation qui rend le travail aussi bien productif que constructif.”
En guise de conclusion…
La FEST remet en question des pratiques habituelles. La réflexivité permet de sortir d'une approche classique d’un sachant qui détient le savoir, le formateur est un facilitateur de l’apprentissage. Il s’agit d’un partage d’expérience entre l’apprenant, les formateurs, l’équipe, qui cherchent à transformer l’activité et l’organisation. La FEST a une visée émancipatrice parce qu’elle a pour but de laisser faire, d’avoir le droit d’essayer pour ensuite analyser le travail réel et sortir du prescrit.
Pour notre prochain post, on continuera à vous partager des témoignages sur les liens entre l’Éducation Populaire et la FEST….
Pour en savoir plus :
]]>
Nous vous partageons cette fois-ci des extraits des entretiens réflexifs qui ont lieu après la mise en situation. On voit ici la richesse apportée par la mise en mots sur les expériences vécues, ouvrant la voie à une réflexion approfondie. C’est la fameuse réflexivité !
FR représente le “formateur référent”, FM le “formateur métier” et A “l’apprenant”.
Voici un extrait du temps réflexif qui a eu lieu après avoir vécu la situation. Celle-ci a eu lieu pendant le temps d’accueil café dans une résidence pour des personnes adultes en situation de fragilité sociale et de handicap. Le but a été d’entrer en relation avec une personne déjà identifiée (N) qui fait partie d’un groupe. Il s’agit d’un temps incontournable où la plupart des résidents participent. Ils se trouvent dans une salle commune, tous autour de tables rassemblées :
FR : Donc là, l'idée c'est vraiment que ce ne soit pas nous qui te disions, tu aurais pu faire comme ça ou comment ça se fait que tu n'as pas fait comme ça. On ne va pas là-dessus, on est là pour te questionner, pour que toi-même tu puisses dire, que tu puisses décrire ce que tu as fait et que tu puisses faire l'analyse, c'est-à-dire, qu'est-ce qui a fait que tu as fait comme ça, quelles questions tu t'es posées. Dans l'entretien réflexif (...) on ne va pas venir plaquer nous comment on aurait fait. Le but c’est qu'on t'amène toi à dire comment tu as fait et qu'est-ce qui fait que tu as fait comme ça.
A : D'accord, ça ne va pas être facile, mais bon… de répondre aux questions, enfin…
FR : Tu as vécu la situation. Donc en fait, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse (...) Moi, ce que je te propose, c'est d'essayer de refaire le film de ce qui s'est passé et tu nous racontes ce que t'as fait, mais aussi ce que t'as ressenti, et puis ce que t'as pensé, et puis tout ça. Nous, on va te poser des questions pour t'amener à dérouler un peu plus. Alors quand est-ce que ça a commencé ?
A : Ça a commencé ce matin quand je suis arrivé dans la structure. Donc j'ai fait comme d'hab, posé mes affaires, dit bonjour à tout le monde avant, puis après je suis allé dans la cuisine voir ce qu'il se passait.
FR : Du coup tu as dit bonjour à tout le monde. Tu étais où ? Qui était là ?
A : J'étais à l'entrée, il y avait déjà du monde dans la salle de vie. Donc j'ai dit bonjour à ceux qui étaient déjà dans la salle de vie. Ensuite j'ai posé le gâteau dans la cuisine où il y avait déjà N et P. Je leur ai dit bonjour aussi et ensuite j'ai enlevé ma veste, posé mes affaires dans le bureau et je suis retourné dans la cuisine pour échanger un peu avec P et N.
(...)
Par rapport à sa place dans la salle, où il a décidé de s’assoir autour de la table :
A : Je me suis dit, déjà, si je dois faire l'entrée en relation avec N, je sais déjà que je vais faire le tour de table, je sais que je vais commencer par quelqu'un qui est à côté de moi. Je me suis dit je ne veux pas me mettre tout de suite à côté de lui, pour pas l'embêter trop. Donc, je me suis dit, je vais me décaler un peu, je laisse parler deux personnes. Comme ça lui, il aura, peut-être, plus de facilité pour discuter, c'est-à-dire ce n’est pas tout de suite et ce n’est pas non plus le dernier. C'est pour ça un peu que je me suis dit, je vais me placer là, pas trop loin et pas trop près non plus.
FR : Et comment tu savais que ça c'était la meilleure manière, de laisser quelques personnes avant qu’il prenne la parole à son tour?
A : Je ne sais pas, enfin c'est, peut-être... ma posture d'animateur on va dire.
FR : C'est quoi la posture d'animateur ?
A : C'est peut-être ce qu'il faut faire, je me suis dit je me mets aussi un peu à sa place, je n'aimerais pas passer non plus le premier, ni être trop loin… et qu'on doit échanger ensemble.
FR : Qu'est-ce qui te fait dire que N n’aime pas passer en premier ?
A : Je ne sais pas. C'est mon ressenti que j'ai là-dessus.
FR : Comment tu sais ?
A : Je sais qu’il parle plus en petits groupes restreints. C’est pour ça qu'après la pause-café, généralement avec P, ils se remettent à lire le journal, à parler du sport, de ce qui se passe dans le journal, dans la région, ils lisent un peu. Mais en groupe, je sais qu'il a un peu plus de mal. C'est peut-être pour ça aussi que je me suis dit, je ne vais pas le mettre en premier pour qu'il soit plus à l'aise.
FM : Donc tu as un sens d'observation. Depuis que tu es arrivé ici, tu as pu remarquer un peu les postures de chacun et comment ils fonctionnent.
Plus tard, la formatrice métier (de la structure) explique qu’elle s’est rendu compte d’un point déjà abordé en équipe par la directrice grâce à la FEST :
FM : On travaille tout le temps dans l’urgence… Je trouve que ce qui émerge là, c’est ce temps de transmission qu'on ne fait pas avant d’accueillir les résidents. (...) Grâce à la FEST, on s'est aperçu qu'effectivement, ce qu'on s'était dit avant, aujourd'hui, on ne le fait pas encore. (...) Et à travers ça, on a pu voir que c'est important aussi quand on accompagne un stagiaire, qu'il ait aussi toutes les billes.
Ici, un deuxième extrait de l’entretien d’réflexif mené par la formatrice référente et la formatrice métier dans un accueil périscolaire, après une mise en situation d’entrée en relation avec un parent le soir.
FR : Donc, vas-y, refais-toi le chemin.
A : Donc, je demande à ma collègue si la petite est là ou en arts plastiques. Donc, elle me dit qu'elle n'est pas là, qu'elle est en arts plastiques et je lui demande gentiment si elle peut aller la chercher. Je préviens le papa en disant, voilà, ça va un peu durer, parce que le temps de faire l’aller-retour et qu'elle va arriver.
FR : Donc, rappelle-toi le premier parent, quand ça a débuté. Alors, tu étais où ?
A : J'étais en salle bleue. Parce que j'aime bien avoir un angle sur les enfants. Je navigue, j'aime bien. Là, c'était un papa que je n'avais jamais trop vu pour le coup. Parce que j'ai demandé son prénom, qui c'est qu’il venait chercher.
FR : Oui…
A : Parce que je n'ai jamais trop affaire à lui. Et du coup, H, elle était en arts plastiques. Donc, j'ai demandé…En général, on fait comme ça. Comme on est assez en bas pour tant d'enfants, on demande à une collègue de monter la chercher. Ou des fois, on demande aux parents d'aller chercher. J'aurais pu aussi dire au papa, elle en arts plastiques, vous pouvez aller la chercher.
FR : Et pourquoi, là, à ce moment-là, tu ne demandes pas au papa ?
A : Alors, je ne demande pas au papa parce que... Je ne sais pas ce que je me suis dit, qu'on était trop en bas et que c'était le premier papa. Il n'y avait pas trop de mouvements de foule, en fait. Je me suis dit que ma collègue, elle a le temps d'aller faire l’aller-retour. C'est pas comme si le papa, il serait venu peut-être à 17h30, où il y a quatre papas en même temps. Là, j'aurais dit, votre fille, elle est là-haut, vous pouvez aller la chercher. Ça dépend.
FR: Souviens-toi, à ce moment-là, tu lui as demandé le prénom de son enfant. Tu vas en salle pour voir si l'enfant est là.
A : Oui, si elle est là, je demande à ma collègue si elle est là, après, on échange, il me dit que pourtant, il avait prévenu qu'il venait tôt. Enfin, je lui dis que son enfant voulait faire un petit dessin, tout en rigolant et puis après, elle descend, s'habille.
FR : Alors, entre le moment où elle descend...
A : Ah, je reviens en salle bleu.
FR : Et le moment où...
A : Je vais chercher un enfant. Donc, du coup, je m'aperçois que le papa... Le papa ne veut pas trop communiquer. Donc, je préfère aller aider ma collègue.
FR : Qu'est-ce qui te fait penser que le papa ne veut pas communiquer ?
A : Parce que je le sens fermé, en fait. J'ai senti son visage fermé et j'ai essayé, en fait...
FR : Qu'est-ce qui, sur son visage, te laisse penser… ?
A : Il était... Enfin... Moi, je sens les gens, en fait, quand... Pas de sourire, pas... Donc, après, j'ai essayé de lui parler mais après je me suis dit ... Finalement, il attend sa fille. Donc, je vais aller aider ma collègue qui est en train d'être toute seule avec les enfants dans la salle.
FR : D'accord. Donc, la petite descend…
A : Elle arrive, etc. Je lui ai dit qu’'il faut bien qu'elle s'habille et puis, elle parle avec son papa. J’ai dit “Bonne soirée, à demain”.
FR : Qu'est-ce que tu aurais pu faire dans la préparation qui t’aurait permis d'identifier peut-être ce papa ? Est-ce qu'il y a quelque chose en amont que tu aurais pu faire ?
A : Pas forcément, parce qu'on n'a jamais les mêmes enfants et je n’ai pas été beaucoup le soir, je ne suis pas souvent là.. Du coup je ne connais plus tous les parents …Donc en amont ça aurait été compliqué.
FR : Dans la préparation, qu'est-ce que tu aurais pu trouver, t'appuyer sur quoi pour pouvoir justement anticiper ça ?
A : Bah, de connaître plus les parents mais c'est compliqué…
FM : Alors il faut que dans ces situations-là, si le parent tu ne le connais pas ou que tu l'as aperçu, mais tu n'es jamais entré en contact avec lui, tu te présentes : tu dis “on ne se voit pas souvent…” Tu vois, tu expliques pourquoi tu lui demandes c'est le papa de qui, tu dis “moi je suis A… je suis là de temps en temps je fais aussi ma formation…” Donc ça va t'amener à pouvoir lier un premier contact et à avoir moins ces difficultés à dire “je ne sais pas qui c'est…”
A : Après je me dis je l'ai quand même bien exprimé en demandant qui il venait chercher, mais c'est bien ça aussi.
FM : Il faut que tu te présentes, c'est comme si là je te demandais que tu entres en relation pour la première fois avec les parents en début d'année
A : Ouais je vois.
FM : Donc moi j'ai noté quelques trucs après… Il y a plein d'aspects positifs : tu parles correctement avec tout le monde, t'es agréable, tu rebondis, tu vas rigoler. Donc là t'as eu la difficulté du papa d'H.
Moi ce que je fais quand je suis dans une situation mal à l’aise, je dis “on ne s’est pas trop vus je crois, il me semble, donc je suis la directrice. Vous n’hésitez pas si vous avez besoin de quelque chose”. Je comble comme ça, parce que ça m'arrive tout le temps et en plus je fais moins d'accueil que vous. (...) Et aussi, je veux absolument que vous fassiez monter les parents dans les salles. Je l'ai pas mal redit en réunion. Parce qu'en fait, ça fait une ouverture à la structure pour les parents et là, quand je t'ai observé, j'ai vu que finalement t'allais plutôt les attendre dans le hall que dans la salle. Je préfère que tu sois dans la salle, j'ai envie qu'ils aient cette visibilité et qu'ils puissent voir la salle, voir l'enfant et ce qu'il fait, voir comment ça se déroule pour qu'il y ait vraiment cette ouverture à la structure.
FR : Au moment où le parent te demande “Est-ce que vous avez beaucoup d'enfants ce soir, vous en avez combien”. Tu ne te dis pas que du coup, tu pourrais l'inviter à voir directement le nombre d'enfants dans la salle ?
A : Oui, mais je me dis que ce monsieur a l’air d’être pressé parce qu'en fait, je ne sais pas si vous avez vu, mais il a vite mis le manteau et les chaussures à l'enfant.
FR: Peut-être que par cette question qu’il t’a posée, il suggère qu'il aurait aimé voir.
A : Oui, oui, je vois.
FM : Et là, c'est encore plus important de les faire monter. Parce que le but, c'est vraiment qu'ils puissent voir où interagit leur enfant, ce qu'ils font, qu’ils voient les animateurs et tout ça. Par contre, accompagner les parents jusqu'à la porte, je trouve ça très bien. Et puis, si tu as un parent qui arrive, quand tu arrives à la porte, tu dis, ah ben venez, on va chercher votre enfant. Il est là, venez.
FR : Ça fait le relais.
FM : Après, ce qui peut être intéressant dans l'année, c'est qu'on refasse cette mise en situation, peut-être en fin d'année, pour voir justement l'évolution. Ça, ça peut être bien. Mais c'est vrai que moi je vais le faire automatiquement. Parce que j'ai ce rôle de référente de structure, donc t'es obligée de dire “Ah on ne s’est jamais vus… Vous êtes…” Et c’est vrai qu’en faitil faut que je dise tout ce qui est logique pour moi.
FR : Oui mais parce que ça te parait tellement logique. En fait, tout ce qui est logique pour toi n’est pas forcément logique pour les autres. Ce qui parait logique en fait je me suis aperçue qu'il fallait le dire. C'est rigolo parce que c'est un point qu’on n’avait pas imaginé : c'est-à-dire que le formateur métier en regardant, voit aussi les failles tu sais… grâce à la FEST et ça donne aussi des billes en tant que formateur métier.
Voici des exemples de comment le récit de l’activité permet de transformer l’expérience vécue : la mise en mot a généré la possibilité de réfléchir aux habitudes de travail et à leur sens. (Barbier, 2013).
Ces extraits mettent en lumière des prises de conscience et le cheminement que l’apprenant fait pour mener ses actions. Par ailleurs, le fait d’observer met en évidence quelques “dysfonctionnements”. La FEST amène à penser et agir autrement. Selon Emmanuelle Begon, l’objectif de l’entretien réflexif à posteriori de la mise en situation est de “donner les moyens à l’apprenant d’évaluer avec du recul ce qu’il vient de faire, comment il l’a fait, quelles difficultés il a rencontré, etc.”
Le formateur observe la mise en situation et laisse l’apprenant faire. L’apprenant est acteur de son apprentissage. Pendant le temps réflexif, le formateur le guide pour qu’il prenne conscience de son action, de ses compétences acquises et de ce qu’il reste encore à travailler. Il est important que l’apprenant trouve sa propre manière de faire et qu’il soit en capacité d’exprimer ses façons de faire. Pour cela, Emmanuelle Begon nous explique de manière schématique différentes étapes de l’entretien réflexif en aval de la mise en situation :
Une fois que c’est fait, le formateur peut, seulement à partir de ce moment-là, donner des conseils sur la situation vécue par l’apprenant. Si la compétence n’est pas encore maîtrisée, ils peuvent décider de refaire la situation.
Finalement, ce qui a été mis en évidence, notamment par la formatrice métier dans le dernier exemple : ”C'est-à-dire que le formateur métier en regardant on voit aussi les failles tu sais… sur la FEST et ça donne aussi des billes” c’est que la FEST n’est pas utile que pour l’apprenant, mais aussi pour observer l’existant et repérer ce qui peut être modifié pour améliorer la qualité de travail, tant pour le public que pour l’équipe.
Dans notre prochain post, nous vous partagerons des illustrations de comment la FEST a permis de transformer les pratiques. A suivre…
Pour en savoir plus :
]]>
FEST : Entretien réflexif en amont de la mise en situation |
Nous vous partageons des extraits des entretiens réflexifs en amont de la mise en situation effectués cette année :
La lettre F représente le formateur (référent ou métier) et l’A, l’apprenant.
La situation a se déroule pendant un accueil des parents le soir dans un périscolaire.
|
Voici un exemple de comment une apprenante s’est préparée à vivre sa deuxième mise en situation qui est sur le temps d’accueil des parents un mercredi dans un Centre de Loisirs :
|
Un autre exemple d’un apprenant qui se trouve dans une structure d’alternance avec des adultes en situation de fragilité.
|
Rappelons-nous que la Formation en Situation de Travail s’effectue dans le lieu d’alternance et implique plusieurs parties : l’apprenant, l’organisme de formation et la structure d’alternance (public avec qu’il travaille, l’équipe, le collectif de travail…).
La FEST est composée des deux séquences qui s’alternent :
Les temps réflexifs s’effectuent avant et après la mise en situation, d’abord le formateur référent (de Trajectoire Formation) ou/et le formateur métier (de la structure d’alternance) mène un entretien réflexif avec l’apprenant afin de voir comment il se projette dans la situation qu’il va vivre, l’aider à mettre en mot ce qui va se jouer dans la situation.
Pour mener ces entretiens réflexifs, les formateurs métiers ont été formés et accompagnés par Trajectoire Formation et l’expertise d’Emmanuelle Begon.
L’entretien réflexif aidera à repérer dans la pratique des éléments solides et des axes d’amélioration, via un auto-positionnement (écrit) de l’apprenant et enrichi par le formateur métier et le formateur référent.
Qu'est-ce qu'un entretien réflexif ?
Le but de l'entretien est la réflexivité, par la mise en mot des actions par l’apprenant, accompagné par le formateur qui, via des questions ouvertes, approfondissent la logique de sa pensée. Dans un premier temps, l’intervieweur cherche à ce que l’apprenant fasse une description des actions, ensuite qu’il mette au jour par lui-même quelles sont les intentions derrière les actions et les connaissances qui soutiennent ces actions décrites.
Pour notre FEST, une fiche de l’activité “entrer en relation avec” a été réalisée. Cette fiche décrit notamment les ressources qui sont mobilisées quand on veut faire un travail de qualité sur cette activité. Cette fiche est lue par l’apprenant avant la mise en situation et discutée lors de l’entretien réflexif en amont, avec le formateur qui pose des questions afin de rendre explicite ce qui est nommée comme “naturel” ou “habituel”.
« L’implicite que l’on cherchera à mettre à jour […] sera principalement ce qui dans notre vécu est naturellement pré-réfléchi » (Vermersch, 2004, p. 71).
Emmanuelle Begon nous a appris que l’objectif est de donner “les moyens à l’apprenant de se projeter dans la situation qu’il va vivre.” Voici les questions qui peuvent aider à structurer cet échange :
● Comment penses-tu que ça va se passer ? ● Par quoi cela va commencer ? ● Qu’est-ce qui sera important à ce moment-là ? ● Quel sera ton objectif ? ● Comment t’organises-tu pour réussir à faire tout cela ? |
Emmanuelle Begon explique que l’objectif de cette séquence réflexif située avant l’action permet à l’apprenant d’expliciter ses savoirs “je sais des choses, je mobilise des représentations, j’ai le droit de le dire”, ce moment de réflexivité permet aussi de voir ce que “je ne sais pas” encore.
Finalement, nous pouvons dire que la mise en mot des actions, des raisons pour lesquelles on fait “comme d’habitude” et quelles connaissances se cachent derrière n’est pas anodine. La FEST bouscule les pratiques quotidiennes, remet en question des actions faites par automatisme. On continuera à creuser dans notre prochain post, avec cette fois-ci un partage des entretiens réflexifs réalisés après la mise en situation. À suivre…
Pour en savoir plus :
Vous le savez peut-être, nous sommes engagés dans une recherche-action visant à développer la FEST dans les structures de l'éducation populaire. Mais revenons un peu sur le chemin que nous avons parcouru depuis 18 mois.
Avant de démarrer, il nous paraît déjà important de bien préciser ce qui se cache derrière la FEST et en quoi elle se différencie de la « formation sur le tas ».
La manière dont nous avons intégré les principes fondamentaux de la FEST dans notre démarche (notamment l'implication des "experts-es" du métier dans la conception de la formation et la réflexivité comme méthode pour apprendre par et dans le travail) est un peu à la manière d'un jardin : pendant un an, nous avons labouré la terre avec des animateurs-trices et des directeurs-trices de structures. Aujourd'hui, nous en récoltons les fruits. Mais avant de vous partager la récolte, voici l'histoire de comment nous avons préparé le jardin.
Trajectoire Formation part du postulat que la formation est un moyen de transformation des individus et des structures d’alternance. En tant qu’association et organisme de formation d’éducation populaire de 30 ans, TF a pu constater une perte du sens du travail des animateurs.trices qui ont pu se former dans des contextes parfois « dés-apprenantes ».
L’objectif de TF n’est pas seulement d’agir sur la formation, mais aussi sur les pratiques professionnelles. L’intention est que les structures deviennent des organisations apprenantes, c’est-à-dire considèrent le travail comme source d’apprentissage à part entière et donnent les moyens aux professionnels de se former par le travail.
Une première année a été consacrée à préparer la mise en œuvre de la FEST pour les promotions actuelles BPJEPS Loisirs Tous Publics et Animation Sociale qui ont démarré en 2023. La FEST s’effectue dans la structure d’alternance, il s’agit d’un déplacement de 21 heures qui avait lieu avant en centre de formation.
Trajectoire Formation a choisi de créer les conditions propices à l’appropriation et de préparer le terrain de la mise en place de la FEST, qui repose sur le savoir-faire des « gens de métier » . Pour cela, des animateurs.trices et directeurs.trices en poste et Emmanuelle Begon, experte de la FEST et coordinatrice de la Ma.FEST[1]ont travaillé avec Trajectoire Formation.
Deux axes de travail ont été identifiés selon les principes de la FEST :
Pour le premier axe, un collectif de 10 directeurs/directrices, le « Groupe Expert-Métier Directeur.trices » s’est réuni 5 demi-journées pour réfléchir aux conditions nécessaires pour aller vers l’organisation apprenante.
Pour le deuxième, 12 animateur.trices, le « Groupe Expert-Métier Animateurs.trices », se sont réunis 5 jours. Ils se sont acculturés au rôle de formateur en situations de travail (qui n’est pas le même que le tuteur « classique »), ont analysé une activité identifiée et ont conçu un parcours d’apprentissage pour apprendre à bien réaliser cette activité.
Simultanément, un « Groupe Projet » a été constitué par l’équipe pédagogique de Trajectoire Formation et des formateurs.trices complices afin de créer le parcours FEST type, à partir des réflexions et des productions de ces deux groupes. De cette manière, TF s’est préparé à accompagner les structures, les tuteurs (qu’on appellera par la suite « formateurs métiers) et les apprenants.
Finalement, la situation identifiée par le « Groupe Expert Métier Animateur.trices » a été « Entrer en relation avec ». Nous l’avons reliée à l’UC1 « Encadrer tout public dans tout lieu et toute structure ». Cette situation a la particularité de s’apprendre essentiellement dans le lieu d’alternance, dans la praxis même, de ne pas être évidente pour un novice et néanmoins constitue un enjeu fort pour le métier.
Après une première journée d’acculturation aux principes de la FEST, le vocabulaire a été remis en question (par exemple, le tuteur de stage devient « formateur métier ») et nous avons mis le « travail réel »[4] en débat. Chaque animateur.trice a pu partager son expérience et comment ils imaginaient que la FEST pourrait transformer ses pratiques.
Le 13 janvier 2023, Emmanuelle Begon a proposé de réfléchir à des situations potentiellement complexes pour un novice : il s’agit de penser à une situation où un.e animateur.trice expérimenté.e saura trouver une solution, mais pas un débutant.e.
Nous partageons le premier moment qui montre la naissance du choix de travailler sur la situation « Entrer en contact avec », qui, suite à une réflexion sur le sens du mot « contact » (est-ce un appel téléphonique ? Quelle implication du corps ?) a été modifié et nommée « Entrer en relation avec ».
|
Plus tard, cette situation a été décortiquée via l’analyse du travail afin de décrire l’activité, le travail réel (qui se différencie de la tâche prescrite). Emmanuelle Begon affirme que c’est « Décrire l’activité, au plus près de ce que vit la personne : les situations typiques et atypiques, les intentions visées, les actions. Il s’agit de mettre à jour ce qui est en réalité mis en œuvre dans cette activité, comment on s’y prend pour y arriver, « comprendre les ficelles ».
L’action visible ne montre pas de toutes les actions / réflexions réalisées par les professionnels : les décisions prises (ne pas faire une action par exemple), les informations auxquelles il fait attention, la gestion des émotions, des relations, les pratiques, les savoirs gestuels, les savoirs linguistiques…
À partir de ce qui a été travaillé durant ces journées avec les animateur.trices, l’équipe projet de Trajectoire Formation a formalisé :
Pour en savoir plus :
Site de la Ma.FEST : https://mafest.fr/
Lancry, A. (2019). Analyse du travail. Dans : Gérard Valléry éd., Psychologie du Travail et des Organisations : 110 notions clés (pp. 45-49). Paris: Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.valle.2019.01.0045
Zarifian P. (1992). Acquisition et reconnaissance des compétences dans une organisation qualifiante. Éducation permanente, n° 112, p. 15-22.
Organisation apprenante : https://www.youtube.com/watch?v=fd9_JIergR0&ab_channel=SOLFrance
[1] https://mafest.fr/
[2] Une organisation apprenante est une « organisation qui favorise les apprentissages, le développement des compétences » de ses membres (Zarifian, 1992, p.15). Emmanuelle Begon affirme que c’est « une organisation qui met le travail en discussion (…) qui crée des situations de travail formatrices, une organisation qui rend le travail aussi bien productif que constructif. ». En somme, il s’agit d’une organisation qui se développe en continu, dynamique, elle s’adapte, aménage des situations et valorise les processus d’apprentissage.
[3]L'analyse du travail porte sur ce que les gens font réellement lorsqu'ils travaillent. Elle cherche à comprendre les aspects du travail effectués et les conditions dans lesquelles ils sont réalisés. L'analyse du travail utilise différentes méthodes pour examiner tous les aspects de ce travail, qu'il s'agisse du travail individuel, des interactions entre collègues ou du travail en équipe. (Lancry, 2019)
[4] Le travail réel, ou « activité de travail » est ce qui est réalisé concrètement, les objectifs que le salarié ou l’apprenant poursuit, les stratégies mises en œuvre, les ressources et les collègues effectivement sollicités, etc. Le travail réel se différencie de la tâche prescrite à faire, c’est-à-dire de ce qui est demandé, commandé, qui suit parfois une procédure spécifique. La tâche prescrite peut être plus ou moins explicite/implicite, formelle ou informelle.
]]>
Pour cela, nous avons proposé aux participants d’assister “en live” à une démonstration d’une des méthodes utilisées pour réaliser l’analyse de l’activité quand on conçoit une FEST : l’entretien d’explicitation. Nous avons pour cela demandé à Fawsy, animateur, de se prêter au jeu, avec Emmanuelle Begon à la manœuvre pour l’amener à expliciter tous ses “savoirs-y-faire” implicites. Voici la vidéo de l’entretien réalisé durant la journée du 13 octobre :
]]>
Le second pilier est la place de l’alternance dans nos formations qualifiantes. De notre place d’organisme de formation, on voit que les stagiaires n’ont pas les mêmes “chances”. Parfois, ils vont être dans des lieux d’alternance apprenants et dans d’autres occasions, ils vont être dans des lieux d’alternance désapprenants. […] L’autre constat, est, que lorsque l’on a des stagiaires qui sortent, nous sommes fiers d’eux, en disant ce sont de bons professionnels, ce sont des animateurs et puis nous les retrouvons cinq ans après, et ils ont désappris.
Se pose la question de comment le travail reste apprenant ?
Il nous apparaît qu’il y a un véritable enjeu de réfléchir, de s’interroger sur les conditions du travail apprenant et de l’organisation apprenante. Pour se faire, Trajectoire Formation affiche sa volonté de travailler avec les structures pour s’engager dans la FEST. Les structures avec lesquelles nous travaillons sont plutôt des petites structures, là où il n’y a pas de fonction RH avec une forte ingénierie, […] il n’y a pas de structures qui peuvent facilement s’emparer de la FEST.
La FEST, c’est à la fois hyper puissant mais hyper exigeant parce qu’il y a tout ce passage par l’analyse de l’activité. C’est Emmanuelle Begon, Coordinatrice MAFEST qui nous accompagnera sur cet aspect.
Trajectoire Formation de par sa place de fédérateur, son rôle de mobilisateur, de collectif, s’est senti légitime pour se lancer avec les structures dans ce vaste chantier.”
]]>