A la clinique des lendemains meilleurs - Fabien Bondil - Promotion DESJEPS

 

Guillaume Dopus - Espoir de lendemains meilleurs
© Guillaume Dopus - Espoir de lendemains meilleurs |

 

Les rendez vous vers l’inconnu ont cette fâcheuse tendance à vous convoquer aux aurores, aux heures où se mêlent appréhension, excitation et bâillements irrépressibles. Remontent alors les souvenirs lointains de l’enfance ballottée et endormie dans un bus scolaire qui vous emmène pour la première fois à la piscine, la vraie, celle où l’on n’a pas pied, celle où l’on va devoir se débrouiller tout seul comme un grand, avec son sac bien serré dans les bras, où trône en secret le goûter des cheveux mouillés et des vitres embuées. 

L’inconnu donc, à cette capacité de rassembler ceux qui vont à sa rencontre, le temps d’un trajet, à travers des paysages de forêts et de petites montagnes qui se demandent pourquoi l’humanité se lève si tôt pour les traverser si vite. Quelques suppositions, questionnements, et partages plus tard, l’inconnu prend le visage d’une ville, puis d’un quartier et de son béton, et vous arrête devant les grilles d’un parking où est fixé le panneau confirmant que vous êtes bien arrivé, message qui tient en quelques lettres : IRTS .

L’inconnu cède alors le pas à la découverte, et la découverte commence toujours par une surprise. Celle ci consiste à vous demander pourquoi vous avez l’impression de rentrer dans une clinique, et qui peut bien être celui ou celle qui a pensé le travail social comme une discipline médicale à ce point. Vous craignez l’injection, vous supposez un jargon de spécialiste qui vous laissera circonspect voire inquiet, vous espérez que le personnel soignant sera gentil et ne vous fera pas trop mal, vous regrettez de ne pas avoir pensé à prendre vos dernières radios ou bilan sanguin, bref, vous parcourez les couloirs, un brin dubitatif et anxieux, en cherchant le bon service, le bon professeur.

Quand vous trouvez la salle d’auscultation, ou d’examen, ou de dissection , ou de vivisection, c'est au choix, vous découvrez ceux qui vont avec vous se pencher sur le corps sociétal lors des 10 ou 15 jours de radiologie prévus tout au long de l’année. Dans toutes les salles d'attente des grandes cliniques, chacun veut savoir les raisons qui ont amené l'autre à prendre rendez vous, peut être pour se rassurer, peut être pour impressionner, qu'importe, la règle est toujours respectée :

 

- « Vous êtes d'où ? De quel service….. ? …..DESJEPS ? C'est quoi ça comme formation ? »

- « Une formation issue du mouvement de l'éducation populaire, champs de l'animation socio éducative et culturelle. »

- « Ah… l'animation... »

 

Plus le temps de préciser, plus le temps de couper court à l'image désuète et erronée de l'amuseur d'enfant papier crépon-collier de nouilles, un premier imminent professeur entre en scène. Les cahiers s'ouvrent, les bistouris s'aiguisent, les tranches de cerveaux se découpent.

Et ils seront nombreux les professeurs émérites à se succéder dans la salle d'opération, tout au long des saisons. Saisons qui défilent et qui fort heureusement font se rencontrer et s'apprécier le papier crépon de l’amuseur d'enfants optimiste, et le tampon protocolaire du travailleur social un tantinet usé . L'heure des préjugés est révolue, et laisse place au plaisir de la rencontre , des récits de vie, du partage des plaintes, de la mise en commun des rêves pour une société plus juste, pour une humanité plus humaine, et finalement pour un monde plus éclairé parce que moins cloisonné.

Car au bout de l'inconnu il y a toujours la certitude d'appartenir au même monde que celui que vous rencontrez. Un monde sur le quel se penchent des soignants certes venus d'horizons différents, mais qui apprennent, au bout du compte, à se connaître, se reconnaître et à officier ensemble. Finalement, au delà de tout ce qui a pu être transmis par les différents talentueux professeurs, au-delà des longs couloirs de la clinique où parfois résonnent les grognements de chefs de service qui n'ont pas compris que les règles se contournent puisque le monde sans cesse se réinvente, vous repartez de l'inconnu avec la certitude de ne plus être le seul à vouloir faire de demain un jour meilleur. Vous découvrez que vos poches sont pleines d'outils permettant de construire de belles et grandes échelles en haut desquelles se dessineront de nouveaux radieux horizons. Parce que l'inconnu se moque des cliniques, du protocole et des différences, il vous chuchote aux oreilles que le savoir est au service de l'homme, et qu'il éclaire nos temps modernes parfois si obscures pour leur redonner du sens.

Et tout soudain devient à nouveau possible, en inventant, encore, toujours, ensemble.

 

 

 


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